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| Sujet: Géopolitique de l'Allemagne Mar 26 Juin 2012 - 16:34 | |
| Berlin a reçu avec intérêt et considération le président du Faso, Blaise Compaoré (1/3)mardi 26 juin 2012 - Citation :
- La visibilité de l’Allemagne en Afrique n’est jamais évidente (malgré le Goethe Institut). Pas plus que n’est évidente la visibilité de l’Afrique dans les relations internationales de l’Allemagne.
L’Allemagne n’a pourtant pas été absente, loin de là, de la colonisation du continent et elle y revendique encore une présence significative même si elle est, économiquement, ciblée : Afrique du Sud, Egypte, Nigeria, Tunisie et Algérie. http://www.lefaso.net/spip.php?article48760&rubrique62- Spoiler:
Plus encore, l’an dernier, le 15 juin 2011, Berlin avait publié un important document intitulé : « Allemagne et Afrique : la stratégie du gouvernement fédéral » (cf. LDD Allemagne 007/Vendredi 30 septembre 2011). Et Angela Merkel s’était rendue au Kenya, en Angola et au Nigeria, en juillet 2011, pour en faire la promotion. Mais sans enthousiasme excessif. Pour Berlin, qui a été la capitale mondiale de la « guerre froide », l’avenir du monde se joue d’abord, tout naturellement, en Europe. Les relations avec l’Afrique sont donc laissées (hors pays-cibles) au bon vouloir du président de la République fédérale dont pas grand monde ne sait – hors d’Allemagne – comment il s’appelle et à quoi il ressemble.
Horst Köhler, qui a assuré le job de 2004 à 2010, avait été, auparavant, le patron du FMI ; il portait donc un intérêt particulier aux questions internationales et, notamment, aux relations avec l’Afrique. Depuis, quatre personnalités se sont succédées à la présidence ; dont deux « intérimaires » : Jens Böhrnsen (31 mai-30 juin 2010) à la suite de la démission brutale de Köhler un an après avoir été réélu à la présidence, et Horst Seehofer (17 février-18 mars 2012) à la suite de la démission forcée de Christian Wulff (2010-2012) - qui avait été le candidat de la chancelière Angela Merkel - consécutivement aux « scandales » qui lui ont été imputés alors qu’il présidait le Land de Basse-Saxe.
Depuis le 18 mars 2012, c’est donc Joachim Gauck le nouveau président de la République fédérale d’Allemagne (et le onzième - sans compter les intérimaires - à occuper ce poste depuis la « résurrection » de l’Allemagne en 1949). Gauck, déjà candidat en 2010 face à Wulff, est le premier « sans parti » élu à la présidence. Originaire d’Allemagne de l’Est (comme Merkel), protestant (comme Merkel), il s’était illustré par son militantisme anti-communiste (son père avait été déporté pendant cinq ans en Sibérie pour agitation antisoviétique) et avait été chargé, après la chute du mur de Berlin, de la dissolution du ministère de la sécurité d’Etat, la Stasi, dont il devra, par la suite, conserver et exploiter les archives.
Si Wulff, un CDU (Union chrétienne-démocrate), avait été mal élu en 2010, Gauck le sera au premier tour de scrutin par l’Assemblée fédérale allemande (Bundestag + élus des 16 Länder, soit au total 1.240 « électeurs »). Se définissant comme « un conservateur social-démocrate à tendance libérale », Gauck a reçu le président du Faso, Blaise Compaoré, le 14 juin 2012, à sa résidence présidentielle : le château de Bellevue. Un mois auparavant, le 14 mai 2012, c’est l’ancien président Köhler qui s’était rendu dans la capitale burkinabè à l’occasion des vingt ans du Programme pour le dialogue en Afrique de l’Ouest (PDWA), initié par la fondation Konrad-Adenauer-Stiftung. Kölher avait alors souhaité que le dialogue entre l’Afrique et l’Europe soit « continuel et non occasionnel, afin qu’on puisse apprendre à mieux se connaître et à discuter d’un certain nombre de problèmes pour arriver à un véritable partenariat ». Un message entendu par Gauck.
Blaise Compaoré n’est pas un inconnu à Berlin. Il a effectué sa première visite officielle en Allemagne du 9 au 13 mars 2004 (c’était quelques mois avant la fin du mandat - 30 juin 2004 – du président Johannes Rau). Il s’était alors rendu également, dans le cadre de la coopération décentralisée (il y a une trentaine de villes allemandes jumelées avec des villes burkinabè), à Potsdam et à Brême où se trouve la Bourse du coton ; l’Allemagne soutient le combat des producteurs africains contre les subventions du coton, notamment du coton US. S
i les échanges commerciaux entre l’Allemagne et le Burkina Faso sont très faibles, l’aide au développement de Berlin est significative via la KFW et la GTZ, l’Allemagne étant le deuxième partenaire bilatéral du Burkina Faso derrière la France. Une aide désormais concentrée sur un certain nombre de secteurs qui vont de l’agriculture à la prévention des conflits en passant par les infrastructures sans oublier le football (avec le Fogebu, centre de formation socio-footballistique). Frank-Walter Steinmeier, alors qu’il était ministre des Affaires étrangères, reçu à Ouagadougou par le président du Faso le 12 février 2008, avait déjà souligné que sa visite était l’expression d’une « forme de respect, de reconnaissance envers votre pays ainsi que votre président dont l’importance dépasse les frontières de votre pays. Je suis venu par le Ghana et le Togo pour remercier le Burkina Faso ; dans ces deux pays, j’ai senti un grand respect envers votre président ». Ce qui était vrai hier, l’est plus encore aujourd’hui.
Les relations diplomatiques entre Berlin* et Ouagadougou sont actuellement caractérisées par la nomination récente de nouveaux ambassadeurs. L’actuel ambassadeur du Burkina Faso – qui a remplacé l’ancien député Xavier Niodogo (qui a fait sa visite de fin de mission au président Wulff le 11.11.11 !) - est une femme. Pas n’importe laquelle d’ailleurs. Il s’agit d’Odile Bonkoungou-Balima : elle a été ministre (enseignement de base et alphabétisation) tout le temps où Niodogo était en poste à Berlin. Il convient de noter qu’Odile Bonkoungou a présenté ses lettres de créance, le 24 février 2012, au président Horst Seehofer qui assurait alors l’intérim (17 février-18 mars 2012) de la présidence de la République à la suite de la démission de Christian Wulff (à qui Niodogo avait fait sa visite de fin de mission). Bonkoungou avait débarqué en Allemagne dès le 12 janvier 2012. Quant à l’ambassadeur d’Allemagne à Ouaga, il s’agit de Christian Germann, un diplomate de carrière qui était précédemment ambassadeur à Saint Domingue ; Germann a pris la suite d’Ulrich Hochschild qui était resté en poste près de six ans, devenant dans la capitale burkinabè une personnalité incontournable (cf. LDD Burkina Faso 0269/Jeudi 29 septembre 2011).
Le rôle de facilitateur que joue Blaise Compaoré dans la région ouest-africaine n’est pas pour rien dans l’impact diplomatique du Burkina Faso en Allemagne. Les Allemands sont, plus souvent qu’on ne le pense, confrontés aux problèmes des prises d’otages en Afrique de l’Ouest. La dernière victime en date s’appelle Edgar Fritz Raupach. Enlevé à Kano, dans le Nord du Nigeria, en janvier 2012, il a été assassiné par AQMI et son corps a été découvert lors d’un raid des forces de sécurité conduit fin mai 2012 dans une cache sensée abriter des « chefs terroristes ».
Compaoré a d’ailleurs profité de son séjour en Allemagne pour échanger avec les diplomates africains accrédités à Berlin de la situation qui prévaut actuellement au Mali et des voies et moyens mis en œuvre « pour rétablir l’ordre constitutionnel et contribuer aux efforts menés pour recouvrer l’intégrité territoriale de ce pays ». La question est sensible et la préoccupation des autorités allemandes manifeste. A Berlin, Compaoré a rappelé que « l’option première » est « pacifique » mais qu’il faudra envisager « d’autres voies » quand il s’agira « d’aborder » la question de « l’indépendance » et de la « charia », évoquant « la force des armes » pour éviter que l’Afrique de l’Ouest ne soit « un nid pour le terrorisme international ».
* L’ambassade du Burkina Faso à Berlin couvre également la Fédération de Russie, la République de Pologne, l’Ukraine et la République de Belarus.
Jean-Pierre BEJOT La Dépêche Diplomatique
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