Patrick Pesnot est journaliste sur France Inter. Depuis maintenant 17 ans, il présente l'émission « Rendez-vous avec Monsieur X », avec... Monsieur X. En 17 ans, les histoires d'espions ont été nombreuses. Il nous livre sa vision de l'agent secret, d'aujourd'hui et demain.
Mise à jour : 17/09/2012 13:51
Citation :
> Selon vous, quel est le profil type de l'agent secret ?
Je ne pense pas qu'il y ait de profil type d'agent secret, aujourd'hui. On peut remarquer que ce sont surtout des bureaucrates, mais il n'y a plus vraiment de profil particulier. Que cela soit en France ou en Angleterre ou aux Etats-Unis, maintenant l'agent secret fait surtout du travail de bureau. Il faut analyser les dernières parutions, des situations bien précises, etc... Les agents secrets sont des gens qui sont formés par les universités. Ce n'est plus vraiment le baroudeur qu'on pouvait trouver autrefois trainant ses guêtres au proche ou au moyen orient, fréquentant les bars louches, etc... L'agent de renseignement aujourd'hui est propre sur lui.
> Reste-t-il encore des agents de terrain dans le renseignement ?
Oui bien sûr, et heureusement qu'il en existe encore. Les Américains ont choisi, dans les années 90, une autre forme de renseignement : le renseignement électronique. Ils pensaient ainsi qu'en surveillant toutes les communications dans le monde entier, ils allaient obtenir facilement des renseignements et que les agents de terrain ne seraient plus vraiment nécessaires. Ils ont dû revenir sur cette décision.
> Quel avenir voyez-vous pour les agents secrets à l'heure actuelle ?
La tendance actuelle, depuis la fin de la guerre froide, est que les agents de renseignement sont souvent des agents économiques. Ils sont soit directement au service d'une centrale de renseignement, soit au service des entreprises, et ils s'occupent de recueillir des renseignements sur l'économie, sur les technologies, c'est ça le véritable enjeu entre les différents états. Il s'agit aujourd'hui de surprendre les secrets technologiques de l'adversaire, de savoir si telle grande compagnie a acheté, va faire une OPA sur une autre. C'est maintenant une grande part du travail des agents de renseignement.
> Qui serait l'espion de demain alors ?
Je crois que l'espion de demain serait un espion pour la sécurité et la dominance économique. La « belle époque » des agents c'était vraiment la guerre froide. Maintenant ça a changé de nature : du militaire à l'économique. Les russes par exemples cherchent aujourd'hui à mettre la main sur les nouveaux secrets technologiques, ou comme les chinois, qui ont un formidable appareil d'espionnage.
> Pensez-vous que l'imaginaire collectif voit l'agent secret comme un James Bond ?
Oui, il y a toujours une sorte de romantisme autour des agents. Mais après, pour les jeunes gens qui veulent devenir agents de renseignement, ça peut être décevant.
Sujet: Re: Profession : Agent secret Mer 3 Oct 2012 - 19:41
Pourquoi les femmes font de meilleurs espions que les hommes
02 oct. 2012par Mylène Vandecasteele
Citation :
« Les femmes sont nées avec un brin d’ADN supplémentaire. Les hommes peuvent bidouiller des gadgets, mais les femmes ont des antennes. Elles sont des espionnes-nées », écrit Maseena Ziegler dans Forbes, rapportant une conversation qu’elle a eue avec un ami. De fait, pour Tamir Pardo, qui dirige le Mossad, l’agence des services secrets israéliens, «Les femmes ont un avantage distinct dans un service de renseignement parce qu’elles sont multitâches». «Elles sont douées pour décrypter les situations. Contrairement aux stéréotypes, on voit que les capacités des femmes sont supérieures à celles des hommes en terme d’appréhension du territoire, d’évaluation des situations, et de conscience spatiale. Quand elles sont bonnes, elles sont très bonnes », ajoute-t-il.
Ces commentaires peuvent surprendre alors que dans la culture populaire, les femmes espionnes ont toujours été des femmes fatales qui basaient leurs compétences sur leur pouvoir de séduction : Mata Hari, Pussy Galore ou Strawberry Fields dans James Bond, et les partenaires de Jason Bourne dans la série éponyme, par exemple. Mais sur le terrain, au Mossad comme à la CIA, les femmes espionnes se distinguent pour leurs qualités intrinsèques à tenir ce rôle. Lindsay Moran, un agent qui a travaillé pendant cinq ans pour la CIA et qui a été entraînée à la contre-surveillance et aux techniques de survie, comme l’emploi d’armes ou la conduite défensive (rouler en marche arrière très rapidement en ne se guidant qu’avec le rétroviseur, par exemple), explique même que le fait que les meilleurs agents de l’agence américaine sont des femmes est l’un des secrets les mieux gardés de la CIA.
Sujet: Re: Profession : Agent secret Mer 3 Oct 2012 - 19:43
Quelles sont les qualités féminines qui se prêtent particulièrement bien à l’espionnage ? Moran propose les explications suivantes :
Compétences
Les femmes se font facilement des amis et elles savent lire en eux, reconnaître leurs motivations et leurs faiblesses. «Quand nous avons été formés pour détecter et surveiller des sources potentielles, on voyait que les femmes le faisaient de façon naturelle. J’avais l’impression d’avoir fait ça toute ma vie », explique-t-elle.
Constamment aux aguets
La capacité de détecter les dangers potentiels est plus importante que la force physique pour la survie. « Les femmes sont déjà accoutumées à scruter la sécurité de leur environnement. Nous sommes toujours sur le qui-vive pour détecter les individus suspects, les personnes qui pourraient nous suivre, les situations dangereuses. Nous avons compensé le fait d’être le sexe faible en étant celui qui est le plus malin dans la rue ».
L’instinct maternel
Gérer les sources et les collaborateurs étrangers est une fonction opérationnelle centrale pour les agents sur le terrain. Il faut former ces collaborateurs, leur apprendre à se protéger et leur accorder de la confiance, alors qu’ils ne sont peut-être pas totalement fiables, comme le sont les enfants.
Une meilleure écoute
L’écoute est naturelle pour les femmes, alors que les agents masculins doivent se former pour l’acquérir, explique Moran.
Alibis crédibles
Lorsqu’une femme rencontre un homme dans une voiture en stationnement ou une chambre d’hôtel, cela ne semble jamais étrange, mais fait toujours penser à un rendez-vous entre deux amants, et la banalité de ces situations fournit une couverture très plausible pour les agents féminins.
L’agent illégal russe Heathfield-Bezroukov qui a travaillé plus de 20 ans sur le sol américain explique pourquoi les espions ressemblent plus à des chercheurs qu’à des héros de films d’action.
Sur le sketch, Elena Vavilova, alias Tracey Lee Ann Foley (à gauche), et son mari, Donald Heathfield (3ème à gauche) dans le tribunal fédéral de Boston, le 1er juillet 2010. Heathfield et Foley étaient parmi les 11 personnes accusées d’avoir tenté de s’infiltrer dans les cercles de décision politique des États-Unis. Crédit : AP
Sujet: Services secrets et "loups solitaires" Lun 10 Juin 2013 - 20:29
Services secrets et "loups solitaires"
Zouhir MEBARKI - 5 juin 2013
Citation :
Top secret ! Par définition, les services de renseignements ne communiquent pas. Moins ils font parler d’eux, plus ils sont efficaces.
Ce n’est plus le cas pour les services français, américains et britanniques. Une étrange épidémie semble les gagner depuis peu. Que ce soit dans l’affaire Merah en France où une relation des services spéciaux avec ce terroriste parait fortement établie, ou aux États-Unis où il apparaît que les deux frères terroristes de Boston n’étaient pas des inconnus pour le FBI jusqu’à l’attentat de Londres contre un militaire anglais où des liens supposés des terroristes avec les services de Sa Majesté ont été évoqués, le doute n’est plus permis, le « ver est dans le fruit ».
Surtout que nous avons affaire à un nouveau type de terrorisme inédit dit « du loup solitaire ». Du coup, des dysfonctionnements viennent porter un sérieux coup à cette thèse. Tout le monde a pu entendre les enregistrements audio du Français Merah tutoyer son contact de la Dcri (service de renseignement français). D’ailleurs, le ministre de l’Intérieur français, Manuel Valls, a reconnu « qu’il y a eu des dysfonctionnements » dans les rouages des services français. Ce qui est lourd de conséquences. Ce n’est guère mieux de l’autre côté de l’Atlantique où un agent du FBI a tué un suspect au cours de son interrogatoire dans l’affaire du double attentat de Boston.
On imagine ce qu’auraient été les réactions si un tel fait s’était passé dans un autre pays. Là, on s’est bien arrangé pour ne pas trop ébruiter la « bavure ». Dans cette affaire aussi, la thèse « des loups solitaires » avancée au tout début s’est effondrée. D’autant plus qu’il s’avère que les services russes avaient averti leurs collègues étatsuniens bien avant l’attentat. Idem pour le terroriste de Londres qui a tué un soldat, le 22 mai dernier. Le porte-parole du gouvernement kenyan (pays natal du terroriste), a affirmé que le terroriste avait été arrêté bien avant cet attentat, alors qu’il s’apprêtait à rejoindre les groupes terroristes en Somalie. Les autorités kenyanes l’ont alors mis dans le premier avion pour Londres, non sans avoir avisé leurs homologues britanniques. Encore un « solitaire » qui a beaucoup de points de chute dans des pays en proie avec des groupes armés terroristes. Encore un « solitaire » connu des services comme l’était Merah.
Si l’on poursuit l’énumération des actions de ces « solitaires » on peut y ajouter le soldat français qui a été la cible, il y a quelques jours, d’un terroriste, dans le quartier de la Défense à Paris. Un attentat qui rappelle, par son mode opératoire, celui de Londres. Conclusion, les services de renseignements occidentaux traversent de mauvais moments. Les indices ne manquent pas pour dire qu’ils sont eux-mêmes devenus des cibles. Par qui ? Avant d’y répondre, relevons qu’il semble évident que ces services de renseignements subissent le contrecoup de leur position avancée dans la lutte contre le terrorisme. Il n’est un secret pour personne que dans cette lutte c’est le renseignement qui est l’arme absolue. Rappelons simplement que sans le travail des services de renseignements américains, la liquidation de Oussama Ben Laden n’aurait pas été possible dans les circonstances que l’on connaît.
Ce qui se passe présentement n’est rien d’autre que des tentatives de déstabilisation des services de renseignements occidentaux. L’introduction du moindre doute dans ces services peut avoir, pour eux, des proportions catastrophiques. Les « dysfonctionnements » dont ils font l’objet en sont la preuve. Et comme il s’agit de services de renseignements de trois pays parmi les plus puissants au monde, un tel « noyautage » n’est pas à la portée du premier venu. Des pros contre des pros à un niveau international. C’est la seule piste. Il n’y en a pas deux !
Sujet: Re: Profession : Agent secret Ven 10 Jan 2014 - 18:04
Les femmes et les services secrets
Publié le 09/01/2014 - Mis à jour le 09/01/2014 à 17h55
Réhabiliter, à travers les figures féminines de l'espionnage au XIXe siècle, le rôle des femmes dans les renseignements, un secteur du travail encore très peu paritaire en France.
Joséphine Baker via Wikimedia Commons
Les espionnes du XXe siècle, Raymond Ruffin
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Citation :
Historien de la résistance notamment du maquis Surcouf en Normandie, Raymond Ruffin s'est intéressé au destin peu ordinaire des agents féminins des services de renseignement allemands, britanniques et français pour dépeindre les affrontements de la Seconde guerre mondiale. Une rencontre documentaire féconde.
Elle s'est déjà traduite par la rédaction de deux biographies[1] consacrées à Violette Morris. Il est vrai que l'ex-championne hommasse d'athlétisme, compétitrice hors pair de boxe et de sports mécaniques, lesbienne en vue attira pour le moins l'attention d'abord de ses contemporains et des médias, ensuite des analystes du monde interlope de la Collaboration.
Suspectée d'intelligence avec la Gestapo, Morris fut abattue le 26 avril 1944 sur une route de campagne aux environs de Lieurey (Eure) vraisemblablement sur ordre des services de renseignement français ou britannique. Cette virago abstruse ne pouvait que figurer en bonne place dans la galerie des espionnes du XXe siècle établie par Ruffin.
Bien que certaines des conclusions sur Morris soient aujourd'hui contestées[2], le romancier décédé en 2007 a confectionné un trombinoscope original de femmes de l'ombre, espionnes actives de la guerre de 14 au second conflit mondial: Élisabeth Schragmüller (Mademoiselle Docteur, 1887-1940), Margaretha Geertruida Zelle (Mata Hari, 1876-1917), Marthe Richard (L’Alouette, 1889-1982), Violette Morris (1893-1944), Christine Granville (1908-1952), Mathilde Bélard-Carré (La Chatte, 1908-2007), Joséphine Baker (1906-1975), Madeleine Bihet-Richou (1901-?).
L'étude de ces personnages ne constitue pas une analyse de genre. Le livre est une somme de biographies, une collection de portraits d'actrices du renseignement. On regrettera cependant qu'elle rassemble de manière abusive sous le vocable d'espionne des femmes qui furent simplement des appâts sexuels dans des opérations d'espionnage et des professionnelles des services secrets.
Une confusion dommageable à la perception par le grand public des métiers du renseignement, les nombreuses exigences professionnelles qu'ils imposent, entretenant une vision romanesque et aventurière de l'espionnage bien loin des réalités quotidiennes des services qui y concourent. L'érotisation de l'espionne occulte le grand professionnalisme des femmes du renseignement à l'image d'E. Schragmüller qui dirigea de 1915 à 1918 l'antenne anversoise du Geheimer Nachrichtendienst (Service de Renseignements secrets de l'Allemagne).
Des tranches de vie trépidantes
Faute de recherches académiques fouillées, l'addition de tranches de vie est l'approche la plus commune pour dépeindre le monde du renseignement au féminin. Ruffin n'échappe pas à cette règle. Pour des études de cas, il est possible de s'appuyer sur une très abondante littérature anglophone[3].
À mesure que les archives deviennent accessibles, il est probable que de nouvelles espionnes nous seront dévoilées dans les années à venir. Les révélations récentes aux États-Unis sur le rôle de la critique gastronomique américaine Julia Child en ont surpris plus d'un.
À ce titre, certaines héroïnes mériteraient de voir leur vie d'espionne décrite par le menu détail et faire l'objet de livres spécifiques (par exemple Joséphine Baker[4]). En attendant, il faut se contenter des trop rares mémoires d'agentes françaises et des monographies dans la langue de Molière d'espionnes étrangères qui ne s'intéressent qu'aux parcours professionnels les plus extraordinaires.
L'absence de travaux universitaires ou administratifs sur la féminisation des métiers du renseignement ne nous permet pas d’avoir une vue très documentée de la réalité et les évolutions récentes de ce monde du travail. C'est si vrai que depuis la première édition du manuscrit de Ruffin en l’an 2000 - aujourd’hui réimprimé sans que même ne soit mentionnée la disparition de l’auteur voici six ans - aucun essai en langue française n'a cherché à appréhender le rôle des femmes dans les politiques publiques de renseignement[5].
Il faut donc se «contenter» de bribes d’informations au détour d’articles de presse, pourtant le rôle des femmes est loin d’être «marginal » pour notre sécurité. Les femmes travaillant dans les services de renseignement intérieur sont, par exemple en France, proportionnellement plus nombreuses que dans ceux de la Police judiciaire. À la DCRI, un fonctionnaire sur huit environ serait une femme. À la DGSE, elles représenteraient un quart des effectifs.
Les renseignements: un milieu encore trop peu paritaire
Il conviendrait de s'intéresser aux espionnes pour faciliter leur carrière mais également pour des raisons opérationnelles. Sans inverser les préjugés, il n'est pas inintéressant de s'interroger sur l'«utilité» des espionnes pour traiter les femmes «satellites» d'une cible (exemple: mère, épouse, maîtresse, collègues), l'avantage pour un espion d'apparaître en couple ou d'agents féminins à la recherche de renseignements scientifiques, tant d'homme s’imaginant encore qu’une femme ne peut avoir des connaissances techniques de premier plan.
On restera plus circonspect sur le rôle d'agente en mission sous couverture de la Croix-Rouge comme le rapporte Ruffin car cette pratique est contraire aux conventions de Genève. En conséquence, à l'heure où la France se dote d'une inspection du renseignement, celle-ci aurait tout intérêt à se pencher sur la féminisation des services secrets. L'égalité professionnelle se joue dans le monde du renseignement comme dans tous les autres espaces du monde du travail. La France en la matière a un certain retard à rattraper sur les États-Unis (48% des agents de la CIA sont des femmes) et ses voisins.
À la différence du Royaume Uni (Le MI5 qui s'occupe de la sécurité intérieure britannique, a déjà été dirigé par deux femmes: Stella Rimington (1992-1996) puis Eliza Manningham-Buller (2002-2007)), aucune femme n'a jamais dirigé un service de renseignement de l’hexagone. Pourtant, il y a aujourd’hui des actrices du renseignement extérieur et du contre-espionnage. Plusieurs femmes sont chefs de poste ou officiers traitants, en Afrique, en Asie, et même dans le monde arabe.
L'une des principales «cellules de crise» de la DGSE est dirigée par une femme. Si les femmes sont nombreuses dans l'encadrement, les postes de direction leur restent en revanche de facto fermés: une seule femme est numéro deux d'une direction des services secrets et c'est la moins opérationnelle de toutes, celle de la stratégie. Seule exception à cette règle machiste, depuis sa création l’Académie française du renseignement est dirigée par une femme[6].
Rendre hommage aux espionnes
Leur rôle comme l'ont rappelé monographies et mémoires en France ou à l'étranger ne se limite donc pas à collecter des informations sur l'oreiller en étant des aventurières d'alcôve. Certes, les recruteurs d'agents féminins sont convaincus que les espionnes attirent moins l'attention mais pour soutirer informations et intentions les espionnes les plus performantes n'ont pas seulement recours à leur séduction et leur pouvoir charnel.
Pour autant, ces attraits ne sont pas aussi dépassés dans la deuxième moitié du XXe siècle ou encore au XXIe que le proclame Ruffin à la fin de son récit. La liaison de Christine Keeler avec John Profumo en 1963 ou les activités de la russe Anna Kouchtchenko, alias Anna Chapman, arrêtée à New York en 2010 montrent que sexualité et espionnage font encore bon ménage. En outre, il n'y a pas que les hommes qui tombent dans le «piège à miel».
Le réseau polonais de Georg von Sosnowski dans l'entre deux-guerres, sur lequel revient brièvement Ruffin, ou encore le service d'espions Roméo de la STASI séduisirent efficacement de jeunes femmes pour collecter des renseignements d'intérêts militaires du ministère de la Reichswehr et de l'OTAN. Il est donc temps de rendre hommage à toutes les espionnes: agent de liaison, analyste, cartographe, chauffeur, chef d'antenne, chiffreuse, cryptographe, expert en propagande, formatrice d'agents, opératrice clandestine, secrétaire, transmetteur,....
C'est ce que vient de faire très solennellement le Royaume Uni. Le prince Charles a inauguré le 3 décembre 2013 à Tempsford, près de Cambridge, un monument commémorant les exploits des espionnes envoyées d'Angleterre pendant la seconde guerre mondiale. Reste à le faire pour toutes les autres! À sa manière, Ruffin y a apporté sa contribution en rappelant que nombre d'espionnes exercèrent leur mission jusqu'au sacrifice suprême. Alors que nous commençons à commémorer le centième anniversaire de la guerre de 14, les historiens seraient bien fondés à revenir sur le parcours des fusillées féminines pour espionnage que Ruffin évoque en passant.
Les mathématiciens doivent-ils refuser de travailler pour les services secrets ?
Publié par Guillaume Champeau, le Lundi 28 Avril 2014
Toutes proportions gardées, les mathématiciens du 21ème siècle qui aident à lutter contre le terrorisme dans les agences des services de Renseignement se retrouvent face au mêmes questionnements éthiques que les physiciens du début du 20ème siècle, qui aidaient à combattre le nazisme. La fin justifie-t-elle les moyens ?
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Au siècle dernier, c'est bien grâce au travail de l'ombre de mathématiciens (dont le célèbre Alan Turing) que les Alliés avaient pu mettre au point une machine à déchiffrer les messages nazis encodés par Enigma, ce qui fut décisif pour l'issue de la seconde guerre mondiale. Ils perpétuaient ainsi une tradition qui remonte à Jules César, de chiffrement et de déchiffrement de communications stratégiques, la plupart du temps militaires.
Sans doute jusqu'à ces très récentes années, personne n'aurait imaginé que le fait pour un cryptologue de travailler pour les services secrets de son pays puisse être impopulaire. C'était au contraire un travail patriotique par excellence, qui permettait aux états majors d'être les mieux informés possibles pour combattre un ennemi extérieur, que ce soit pour s'en défendre ou pour l'attaquer.
Mais Internet et la "menace terroriste" ont tout changé. L'ennemi n'est plus à l'extérieur mais à l'intérieur-même des frontières, et ses communications sont désormais mêlées à celles de tous les citoyens. Les révélations d'Edward Snowden sur les programmes de surveillance de la NSA, qui ont leurs équivalents en Europe (non seulement en Grande-Bretagne avec le GCHQ, mais aussi en France avec la DGSE, ou encore en Allemagne), ont montré que tous les concitoyens sont traités comme des terroristes en puissance, qui sont tous surveillés pour éviter qu'ils ne passent un jour à l'action.
A cet égard, les mathématiciens qui aident au déchiffrement des communications sur Internet sont désormais complices d'une surveillance de masse qui n'est pas sans conséquences sur la société, et doivent se poser des questions éthiques inédites. Leur travail est-il utile au plus grand nombre, ou se fait-il au détriment du plus grand nombre ? La fin justifie-t-elle les moyens qu'ils développent ? C'est tout l'objet d'une tribune publiée dans le New Scientist par le mathématicien Tom Leinster, de l'Université d'Edimbourg. Il estime que ses confrères devraient aujourd'hui refuser de travailler avec la NSA, le GCHQ ou leurs homologues :
Donc les mathématiciens doivent décider : coopérons-nous avec les services de renseignement, ou pas ?
Notre situation a été comparée à celle des physiciens nucléaires dans les années 1940. Cependant , ils savaient qu'ils étaient en train de construire la bombe atomique, alors que les mathématiciens qui travaillent pour la NSA ou le GCHQ ont souvent peu d' idées de comment leur travail sera utilisé. Ceux qui l'ont fait en ayant confiance dans le fait qu'ils contribuaient à la sauvegarde légitime de la sécurité nationale peuvent à juste titre se sentir trahis.
Au strict minimum, nous autres mathématiciens devraient en discuter. Peut-être que nous devrions aller plus loin. L'éminent mathématicien Alexandre Beilinson de l'Université de Chicago a proposé que l'American Mathematical Society rompe tous les liens avec la NSA , et que le fait de travailler pour elle ou ses partenaires devienne «socialement inacceptable» de la même manière que travailler pour le KGB était devenu inacceptable pour beaucoup dans l'Union soviétique.
Tout le monde ne sera pas d'accord, mais il nous rappelle que nous avons à la fois des choix individuels et une force collective. Les particuliers peuvent retirer leur travail. Les directeurs de départements universitaires peuvent refuser que du personnel parte travailler pour la NSA ou le GCHQ. Les sociétés mathématiques nationales peuvent arrêter de publier des offres d'emploi des agences, refuser leur argent, ou même exclure les membres qui travaillent pour des agences de surveillance de masse.
À tout le moins , nous devons reconnaître qu'il nous appartient de faire ces choix. Nous sommes d'abord des êtres humains et ensuite des mathématiciens, et si nous n'aimons pas ce que les services secrets font, nous ne devrions pas coopérer.