Le Mossad reconnaît un assassinat à Tunis

Le voile vient d’être levé sur le meurtre d’un leader palestinien commis à Tunis il y a 24 ans. Un quotidien israélien révèle qu’il s’agissait bien du Mossad, témoignage du tueur à l’appui.

Une villa à Tunis. Le soir tombe en ce 15 avril 1988. C’est le refuge du leader palestinien Khalil Al Wazir, alias Abou Jihad, qui avait fondé l’OLP avec Yasser Arafat. Un couple en vacances s’approche de la villa. L’homme porte une boîte de chocolats qui contient un pistolet muni d’un silencieux. En fait c’est le commandant israélien Nahoum Lev, entré en Tunisie avec un faux passeport libanais. La femme est un soldat déguisé. Lev abat un gardien d’une balle dans la tête. Une autre équipe abat un jardinier et l’autre gardien.

Abou Jihad est en train d'écrire lorsqu'il entend que la porte d'entrée est forcée. Il se précipite pour prendre son pistolet. Quand il ouvre la porte de sa chambre, les deux Israéliens le criblent de balles devant sa femme et deux de ses enfants. Une centaine d'impacts seront relevés dans la maison. Sa mort provoque un grand émoi dans les territoires palestiniens occupés. Le 16 avril sera également la journée la plus sanglante de la première Intifada. Les funérailles de Abou Jihad sont organisées le 20 avril à Damas en présence de centaines de milliers de Palestiniens.

Si le Mossad a toujours été le suspect n°1 de cet assassinat, cela n’avait jamais pu être prouvé. Jusqu’à ces révélations du quotidien israélien « Yediot Aharonot », le jeudi 1ernovembre, enfin autorisé par la censure militaire à publier l’identité des tueurs.

Le journal publie aussi une interview posthume de Nahoum Lev, alors que le journal détenait l’information depuis 12 ans. « Je lui ai tiré dessus pendant un long moment », avait ainsi confié Lev à « Yediot Aharonot » peu avant sa mort en 2000. « J'ai fait attention de ne pas tuer sa femme, qui est apparue à ce moment-là (…). Abou Jihad était impliqué dans d'atroces crimes contre les civils. Il était voué à mourir. Je lui ai tiré dessus sans aucune hésitation ».

Abou Jihad était accusé d'avoir mené une série d'attaques meurtrières contre des civils israéliens, notamment celle d'un bus israélien en 1978 qui avait fait 38 morts. A partir de décembre 1987, il avait organisé la première « Intifada » contre Israël. Selon les informations du journal, reprises par AP, l'opération était menée par le Mossad et le commando d'élite Sayeret Matkal. Depuis un poste de commande situé sur un bateau dans la mer Méditerrannée, 26 commandos israéliens avaient débarqué sur les rives de la Tunisie en bateaux gonflables.

Deux personnes impliquées dans cette opération occupent aujourd'hui des fonctions politiques : le ministre de la Défense Ehoud Barak et le vice-Premier ministre Moshé Yaalon. En 1988, Ehoud Barak était sous-chef d'état-major et Moshé Yaalon était à la tête de la Sayeret Matkal, une unité d'élite de Tsahal. « Leur rôle précis dans l'opération n'a pas été divulgué et les bureaux des deux hommes ont refusé de commenter cette information », rapporte l’agence de presse AP.