Les résultats du scrutin du 10 mai continuent à faire parler d'eux, notamment par rapport à des noms issus des formations qui ont eu à arracher un nombre appréciable de places dans cette nouvelle Assemblée. C'est le cas du FLN, qui a placé dans cette course ses ministres, Rachid Harraoubia (Souk Ahras), Tayeb Louh (Tlemcen) et Amar Tou (Sidi Bel Abbès), a réussi son coup puisque leur réélection lui permet de détenir déjà des portefeuilles dans le prochain gouvernement même s'il est assuré d'en être la principale force de par sa majorité à la future APN. Cherif Rahmani, le ministre de l'Environnement (RND).

L'autre ministre qui a réussi à passer cette épreuve fatidique est Amar Ghoul au niveau de la wilaya d'Alger. Ce dernier pourrait se targuer d'être l'unique ministre à avoir eu recours à un travail de séduction de l'électorat basé sur une approche novatrice qui a recouru à Internet et à la Toile. La lecture des résultats de ces élections permet de comprendre que l'électorat a démenti tous les sondages aussi bien concernant le taux de participation qu'en matière d'intentions de vote.

Le président de l'ESS, Abdelhakim Serrar, le célèbre joueur Lakhdar Belloumi ou encore le bouillonnant Aïssa Menadi (un député sortant et président de l'USM Annaba), n'ont pas réussi à se faire élire. Serrar affirmait même que sa cote de popularité lui permettait de briguer, sans coup férir, le mandat de député, mais les électeurs ne l'ayant pas entendu de cette oreille sont allés voir ailleurs.

Et cette tendance (le vote qui désoriente les sondages d'opinion, ndlr) s'est vérifiée par l'élection de l'ex-speakerine, Naïma Madjer (liste Alliance verte), et du président de l'ASO, Medouar, qui ont réussi le passage par les urnes.

La prochaine Assemblée populaire nationale aura ses habitués, mais elle réserve une large part aux nouveaux venus. Des personnalités connues, à l'instar de Ali Laskri, de Mustapha Bouchachi, Karim Tabou, Chafaâ Bouaiche, issus du FFS, ou encore de l'ancien joueur de l'ASO, Hamouni, feront leur entrée dans l'hémicycle.

Le docteur Ould Khelifa Mohamed Larbi, l'ancien PDG d'Air Algérie, Wahid Bouabdellah, l'ex-épouse algérienne du prédicateur égyptien controversé Youssef El Karadaoui, Bekada Asma, faisant partie de la liste du FLN à Alger, siègeront dans la Chambre basse du Parlement. Seddik Chihab et Abdessalam Bouchouareb ont décroché également le sésame et risquent même de devenir ministrables !

Et même si certains parlent déjà d'une bataille qui opposerait l'ancienne garde à la nouvelle génération venue investir le Parlement, la réalité sera tout autre puisque la véritable passe d'armes qu'abritera l'APN concernera le texte de la future Constitution qui fait déjà débat.

Les chancelleries se contenteront de reprendre la thèse d’un ambassadeur en poste à Alger et qui expliquait il y a seize mois devant des députés de son pays qu’il ne fallait pas s’attendre à un effet domino des révolutions arabes en Algérie. Paradoxalement, ce sont ces mêmes pays qui appelaient en janvier 2011 à des changements urgents et profonds en Algérie qui saluent aujourd’hui ce non‑changement.

La vague islamiste s’est écrasée sur les récifs de l’ex‑parti unique – le FLN – et du RND, véritable digue contre toute force politique qui voudrait remettre en question le régime politique dominant depuis l’indépendance. Ni modèle tunisien, ni modèle marocain, pas même de schéma à la turque. La place importante réservée aux femmes dans la nouvelle assemblée – 145 élues – a joué un rôle certain dans ce concert de louanges venu d’Occident, toujours très sensible au sort des femmes, même quand celui‑ci relève du symbolique. Des islamistes vaincus et des femmes promues dans la vie politique : le schéma ressemble à du sur‑mesure pour une consommation occidentale.

En Algérie, l’islamisme politique n’a pas été mis en minorité seulement dans la compétition électorale. Au sein de l’appareil FLN, la fronde contre Abdelaziz Belkhadem cible aussi l’influence religieuse que l’homme à la chevalière distille depuis des années dans ce qui fut un front à multiples courants, du marxisme‑léninisme au bénabisme.

Sur fond de réconciliation nationale – avec la réinsertion des islamistes radicaux des années FIS, dont la plupart ont vieilli en renonçant au projet d’un État exclusivement théocratique – et de redéfinition de la mouvance par l’Alliance présidentielle qui a intégré symboliquement les opposants islamistes d’hier, le succès électoral des barbus chez nos voisins arabes ne pouvait pas inspirer une expérience déjà vécue en Algérie avec des centaines de milliers de morts à la clef.

De charismatiques chefs politiques l’ont déclaré à longueur de journée, et des caciques ont même revendiqué la révolte d’octobre 1988 comme un diplôme national nous dispensant de l’épreuve du printemps arabe ! Il n’y a donc pas de doute qu’avec ces échéances réussies pour nos dirigeants, le pouvoir saura écarter désormais les "comparaisons grossières et malintentionnées" qui voudraient coller à notre devenir les troubles de notre passé que des nations du monde arabe n’ont pas encore surmontés.

Forte de ses réserves de change, l’Algérie se retrouverait ainsi dans une position confortable pour négocier des partenariats et sanctionner les remarques désobligeantes, à sa guise. En réhabilitant aussi sa politique étrangère souvent tancée ces derniers mois. Une revanche à coups de millions de dollars, tant que le prix élevé de l’énergie fossile se maintiendra et que la paix sociale dans le pays sera monnayée.