Sujet: Re: La guerre d’Octobre (1973) Ven 21 Sep 2012 - 1:00
Document déclassifié : le Mossad savait « tout » une semaine avant la guerre de Kippour – pas le gouvernement
Publié le : 20 septembre 2012
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Le Mossad savait une semaine à l’avance que l’Egypte avait l’intention de lancer une attaque surprise le jour de Yom Kippour en 1973, mais n’a pas réussi à transmettre l’information d’une manière ordonnée et explicite au bureau du Premier ministre Golda Meir. Cette information sans précédent a été publiée aujourd’hui, après avoir été déclassée des archives secrètes. Le document en question provient de la commission chargée d’enquêter sur la guerre.
L’avertissement du Mossad indiquait que l’Egypte allait attaquer sous le couvert d’un exercice militaire.
L’informations du Mossad, reçue d’un agent senior, Ashraf Marwan, beau-fils de Gamal Abdel Nasser, n’a jamais été remise au bureau du Premier ministre, selon le général Yisrael Lior, attaché militaire du Premier ministre.
Lior est cité dans le document disant que s’il avait su l’information du Mossad, il aurait «volé» au bureau du vice-Premier ministre Yigal Allon – qui remplissait les fonctions de Golda Meir qui était absente à l’époque.
Le 5 octobre à 12h30 dans la nuit, un câble secret marqué « urgence » est arrivé au siège du Mossad à Tel-Aviv. Dans ce document, Marwan affirme que la guerre était imminente et demande une réunion à Londres avec le chef du Mossad Zvi Zamir.
Un veilleur de nuit a lu le document pour Alfred Eini, le bras droit de Zamir, qui a dit à la commission qu’il estimait que la matière était suffisamment urgente pour justifier un réveil de Zamir. Selon le document, Yitzhak Nebenzahl, contrôleur d’Etat et membre de la commission, a demandé si les informations étaient « un avertissement à propos de la déclaration de guerre ou [si] l’objet était la guerre en elle-même. »
Eini a déclaré qu’«il était entendu qu’il s’agissait d’un avertissement au sujet de la déclaration de guerre. »
Eini appelé Zamir, qui semblait groggy et fatigué. Dans les protocoles, Eini décrit la conversation : «Il [Zamir] m’a écouté. Il a dit ‘merci’ et dit ‘Bon, je vais aller voir demain matin [Marwan]‘. »
Les cinq membres de la commission Agranat, présidée par le juge d’origine américaine, juge en chef de la Cour suprême Shimon Agranat, ont été nommés par le gouvernement pour examiner les échecs qui ont précédé la guerre et étudier ce qui s’est passé pendant le conflit.
Le ministre des Affaires étrangères Abba Eban a vu le changement radical dans l’évaluation de guerre en l’espace de quelques heures seulement. Il a dit à la commission que le vendredi après-midi à 17h30, moins d’une heure avant le début de la fête, il reçut un télégramme en provenance d’Israël affirmant qu’il y avait un risque d’attaque coordonnée syrienne et égyptienne, mais que la probabilité était faible.
Plusieurs heures plus tard, il a dit à la commission avoir reçu ce qui suit : «Selon des sources authentiques du renseignement, les Egyptiens et les Syriens vont lancer une attaque coordonnée dans la soirée. L’objectif : conquête du Golan, en traversant le canal, et l’établissement des Egyptiens sur la côte ouest. »
« Je tiens à souligner, » a dit Eban, « que le changement de mentalité entre les deux câbles était vif, sans décalage, c’est-à-dire, je n’avais pas de demi-mesure entre les deux câbles. »
La guerre, qui a duré du 6 au 25 octobre, coûtera 2 688 vies israéliennes et a profondément endommagé l’image d’Israël comme une force indestructible.
Sujet: Re: La guerre d’Octobre (1973) Sam 14 Sep 2013 - 14:34
EXTRAITS DE «LA GUERRE DU KIPPOUR N'AURA PAS LIEU»
Guerre du Kippour: l’espion n°1 d’Israël était le gendre de Nasser
La guerre du Kippour ou guerre israélo-arabe de 1973 opposa, du 6 octobre au 24 octobre 1973, Israël à une coalition menée par l'Égypte et la Syrie. Des milliers d’hommes, dans les deux camps, ont été tués lors des combats d’octobre 1973. Pourtant, les dirigeants de l’État juif étaient persuadés que les Syriens et les Égyptiens n’oseraient défier Tsahal après la cuisante défaite qui leur avait été infligée en juin 1967. Retour sur les événements avec Marius Schattner et Frédérique Schillo auteurs de « La guerre du Kippour n'aura pas lieu » (André Versaille éditeur). Extraits.
Les forces égyptiennes traversant le canal de Suez le 7 octobre 1973
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Depuis 2010, les archives israéliennes se sont ouvertes et des documents top secret ont été déclassifiés, ce qui a poussé l’historienne Frédérique Schillo et le journaliste MariuS Schattner à reprendre l’histoire de cette guerre qui mit à mal le mythe de l’invincibilité de l’armée israélienne.
Le livre apporte des éléments de réponse à des questions toujours sensibles : qu’est-ce qui explique qu’Israël se soit laissé surprendre ? La guerre était-elle inévitable ? Israël a-t-il sérieusement envisagé l’option nucléaire ? Les auteurs tentent également de comprendre pourquoi les Israéliens ont fait preuve d’un tel aveuglement, malgré la quantité impressionnante de renseignements de première qualité dont ils disposaient.
Cette enquête, qui mêle géopolitique, psychologie, stratégie et espionnage, se lit comme un thriller, et jette un nouvel éclairage sur un conflit glorifié par les Arabes et toujours vécu comme un traumatisme en Israël.
Extraits de La guerre du Kippour n'aura pas lieu, de Marius Schattner et Frédérique Schillo (André Versaille éditeur)
Ce livre est l’histoire d’un aveuglement. En témoigne l’incroyable erreur des services de Renseignement israéliens qui, presque jusqu’au tout dernier moment, à quelques heures du déclenchement de l’offensive conjointe syro-égyptienne le 6 octobre à 14h, ne voulaient pas y croire. Incroyable erreur, non point parce qu’ils se sont trompés dans leur évaluation des intentions de l’ennemi et ont pris leurs désirs pour des réalités – lot commun des services secrets de par le monde –, mais parce qu’ils disposaient d’une quantité impressionnante de renseignements de première qualité qu’ils n’ont pas su exploiter.
Aussi incroyable que cela paraisse, l’espion numéro un d’Israël n’était autre que… Ashraf Marwan, le propre gendre du président égyptien Gamal Abdel Nasser, devenu, après la mort de ce dernier, le proche conseiller de son successeur Anouar el-Sadate. Il aura fallu attendre des décennies pour que l’identité de cet homme, considéré par Israël comme son meilleur agent qui avait fourni au Mossad des renseignements de première qualité, fût révélée au grand jour avec des conséquences fatales pour l’intéressé.
À moins qu’Ashraf Marwan n’ait été un agent double : après avoir transmis des informations de première main, a-t-il joué un rôle clef dans une entreprise d’intoxication très élaborée destinée à tromper les Israéliens sur l’imminence d’une attaque dans le Sinaï et sur le plateau du Golan ? Ou bien les dirigeants israéliens qui disposaient d’autres sources d’informations ont-ils été avant tout victimes de leurs illusions, de leurs a priori qu’aucun fait ne pouvait démentir, autrement dit de leur arrogance ?
Après avoir fait débat en Égypte, ces questions n’ont pas fini d’alimenter une polémique en Israël. Cela ne tient pas uniquement à la fascination qu’exerce une affaire d’espionnage qui semble sortie d’un roman de John le Carré, et garde ses zones d’ombre ; c’est aussi qu’à quarante ans de distance elle réveille des blessures que le temps n’a pas cautérisées, en même temps qu’elle jette une lumière crue sur les rivalités internes des services de Renseignement israéliens. Car ce livre est aussi le récit d’un basculement. Il dépeint l’angoisse qui a saisi toute une population qui, du jour au lendemain, est passée de l’assurance de soi au sentiment de l’extrême vulnérabilité. La guerre du Yom Kippour aura en effet tout bouleversé : la position diplomatique d’Israël, sa conception stratégique, mais aussi son paysage politique intérieur avec l’effondrement du camp travailliste lors de l’arrivée de la droite au pouvoir en 1977 et l’émergence d’un ultranationalisme religieux.
À tel point que ce traumatisme sera invoqué à chaque fois qu’Israël se fera surprendre et craindra une nouvelle réplique du Kippour, que ce soit face à la résistance du Hezbollah lors de l’offensive de 2006 au Liban, ou au moment du déclenchement du printemps arabe en 2011, ou à propos de la menace nucléaire iranienne, ou encore au regard des retombées de la guerre civile en Syrie. Le mehdal (littéralement « défaillance/manquement ») du Kippour est perpétuellement évoqué.
Reste à savoir si ce rappel parfois obsessionnel des journées noires d’octobre 1973 signifie que les Israéliens en ont tiré des leçons ? C’est ce qu’avait été chargée de faire, dans l’immédiat après-guerre, une commission d’enquête officielle en Israël. Il faudra près de quatre décennies pour que les parties du rapport d’enquête longtemps tenues secrètes, ainsi que des minutes du cabinet de guerre israélien dévoilent toute l’ampleur du désarroi dans lequel avait été plongée la population.
Aujourd’hui, bien que les archives des pays arabes demeurent closes, des documents américains ou français récemment déclassifiés et des archives israéliennes inédites permettent de lever le voile sur les secrets d’une guerre qui devait bouleverser les rapports de force dans la région.
Sujet: Re: La guerre d’Octobre (1973) Lun 14 Oct 2013 - 18:20
Les leçons de la guerre d’octobre 73
lundi 14 octobre 2013 - 16h:20 - As’ad AbuKhalil
Il est certain que les régimes syrien et égyptien ont tiré avantage de la propagande sur la guerre d’octobre 73. Avec l’argent du Golfe, cette guerre d’Octobre a été depuis depuis 1973 un vrai trésor propagandiste circulant à travers les médias dans le monde arabe .
Hafez al-Assad sur le front du Golan - Les premiers développements de la guerre d’octobre 73 ont été une claque magistrale pour l’armée israélienne d’occupation.
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Que la guerre d’Octobre ait été une victoire pour les Arabes (ou les régimes arabes, selon les affirmations de ces mêmes régimes ) n’est jamais remis en question. Il est de coutume en politique arabe, y compris dans la littérature des partis politiques et dans les médias, de se référer à la victoire d’Octobre. Mais la guerre d’Octobre a été en réalité une affaire très compliquée .
Nous savons maintenant que les motifs d’Anouar el-Sadate à l’origine de la guerre n’ont jamais été la libération des terres égyptiennes ou le fait de donner une leçon aux Israéliens, et en aucun cas une volonté de venir en aide à la cause palestinienne. Nous savons maintenant - et le nouveau livre de Yigal Kipnis, basé sur des documents israéliens inédits, ne fait que le confirmer - que Sadate voulait dès le début de son mandat de président, parvenir à la paix avec Israël. Sadate en fait mendiait aux États-Unis et à Israël ( indirectement au début) une totale tranquillité et un retrait de l’Égypte dans le conflit israélo-arabe. Comme les Américains et les Israéliens ne prenaient pas Sadate au sérieux, celui-ci accepta, mais du bout des lèvres, de lancer la guerre d’Octobre. Le régime syrien de Hafez al -Assad avait des motifs politiques similaires : tous les deux, Assad et Sadate, savaient qu’ils ne pourraient pas se maintenir au pouvoir sans faire quelque chose, n’importe quoi, pour tenter soit de libérer les terres occupées, soit être considérés comme ayant tenté de libérer les terres occupées.
La guerre a pris Israël par surprise et les Arabes étaient en bonne voie pour parvenir à la victoire, mais plusieurs facteurs sont entrés en jeu et ont changé le cours et l’issue de la guerre.
Premièrement, les États-Unis sont intervenus très tôt et ont lancé un approvisionnement militaire sans précédent au profit de l’armée israélienne (c’était alors le plus grand pont aérien jamais réalisé dans l’histoire de la guerre et il ne fut dépassé en importance qu’en 1990 lors de la préparation de la guerre du Golfe).
Deuxièmement, Sadate voulait jouer au général et ignorer les conseils militaires si déterminants du général Shazli et d’autres, lesquels auraient garanti un résultat dans le conflit beaucoup plus favorable à la Syrie et à l’Égypte.
Troisièmement, Sadate craignait une victoire militaire au profit de son armée et de l’armée syrienne, parce que son but était simplement d’activer un « processus de paix ».
Quatrièmement, la guerre lancée par les deux régimes n’avait rien à voir avec la cause palestinienne, et ses objectifs étaient donc limités.
Cinquièmement , les régimes syrien et égyptien n’étaient pas des régimes (en particulier dans le cas de l’armée syrienne) doués de flexibilité ou de capacité d’initiative tactique. Cet aspect est bien étudié dans le livre de Kenneth Pollack, Arabs at War.
Sixièmement, il y avait un certain désavantage de la part des deux armées syrienne et égyptienne : les régimes des deux pays se souciaient davantage de la préservation de leur pouvoir en place que de gagner une victoire décisive.
Septièmement, les régimes syrien et égyptien se méfiaient l’un de l’autre et il y avait peu de coordination sur les fronts de la guerre.
Huitièmement, le roi Hussein de Jordanie était à tous les points de vue un espion travaillant pour Israël, et il faisait connaître à Israël tout ce qui était bénéfique pour lui. À ce jour, les documents des archives israéliennes mis au jour, omettent tout ce concerne le rôle de Hussein dans la guerre, par souci de préserver son héritage et son image chez les Arabes.
Neuvièmement, il y avait peu de solidarité arabe (par les régimes) pendant la guerre et l’embargo pétrolier des pays du Golfe a été limité et sans grand impact.
Alors que la guerre avait commencé dans des conditions dévastatrices pour Israël et son arrogance, elle a fini en défaite pour les armées syrienne et égyptienne. Toutes les deux se sont retrouvées dans une situation désavantageuse parce que leur leadership politique était réticent ou incapable de pousser pour une guerre totale et pour une victoire totale, et en partie parce que les régimes syrien et égyptien avaient peur des États-Unis et parce que l’Union soviétique n’a jamais fourni à ses protégés arabes le même niveau de soutien que celui fourni par les États-Unis à Israël.
Mais quand la guerre a pris fin dans des conditions qui étaient clairement favorables au côté israélien, les régimes du Golfe ont financé une campagne de propagande qui dure maintenant depuis des décennies (infusé dans les programmes de tous les systèmes scolaires arabes) disant que les Arabes ont gagné contre Israël et que la guerre ne peut pas être jugée sur les objectifs déclarés, mais sur des buts plus tardifs qui peuvent même justifier la défaite et la perte de plus de terres.
Les régimes syrien et égyptien savaient qu’ils ne pourraient rester au pouvoir que s’ils persuadaient leurs populations qu’ils avaient gagné la guerre, même si les terres étaient encore occupées et même s’il n’y avait absolument aucun progrès de réalisé dans la voie de la libération de la Palestine. Sadate et plus tard Hosni Moubarak, ont pu prétendre quotidiennement à leurs sujets qu’ils étaient les héros de la « victoire » d’Octobre, tandis que le régime syrien se vantait également de ses performances. (Les discours de Hafez al -Assad après la guerre étaient cependant moins éloignés de la réalité que ceux de Sadate, pour qui l’invocation de la victoire d’Octobre était rituelle.)
C’est Gamal Abdel Nasser qui avait préparé la guerre d’Octobre, et pour ce faire il avait ordonné la réorganisation de l’armée égyptienne et la promotion de soldats et d’officiers professionnels (contrairement au clientélisme et au favoritisme qui étaient courants sous la triste direction d’Abdul- Hakim Amir). Nasser se préparait à une guerre plus ambitieuse, mais il n’a pas vécu assez longtemps pour mener son projet à bien. Sadate a utilisé la guerre pour être considéré comme un client et un outil pour l’alliance américano-israélienne dans la région. Avant la guerre, il était considéré comme un pantin par les autorités américaines (ce qui apparemment s’est poursuivi sous l’administration Carter, selon Zbigniew Brzezinski dans son ouvrage Power and Principle).
Sadate a gagné son siège à la table des enfants au banquet américain au Moyen-Orient. Assad a également tenté de négocier la paix avec Israël, mais il voulait des conditions moins défavorables que celles de Sadate. Pourtant, les deux régimes oublièrent le problème palestinien, ou alors ils l’utilisèrent pour leur propre bénéfice.
Il arrive que des tyrans fassent des choses qui aillent dans le sens de l’intérêt national, et Hanna Batatu [historien marxiste] avait coutume de dire que la guerre d’Octobre a été un exemple pour le régime égyptien et syrien, même si le résultat étaient en opposition avec les intérêts nationaux de la Syrie ou de l’Égypte.
* As’ad AbuKhalil est professeur de science politique à l’université d’État de Californie à Stanislaus, et professeur associé à l’université de Californie à Berkeley. Il est également l’auteur du Dictionnaire historique du Liban (1998), Ben Laden, l’islam et la nouvelle ’Guerre contre le terrorisme’ américaine (2002) et La bataille pour l’Arabie saoudite (2004). Il contribue régulièrement à Al-Akhbar.