Sujet: Sétif, l’autre 8 mai 1945 Mar 8 Mai 2012 - 18:06
COMMÉMORATION – Sétif, l’autre 8 mai 1945
Citation :
Alors que François Hollande et Nicolas Sarkozy célébraient en grande pompe mardi matin le souvenir de la fin de la seconde guerre mondiale, certains commémorent aussi en ce 8-Mai une des pages noires du colonialisme français. "Il y a soixante-sept ans, le jour de la capitulation de l’Allemagne, une répression sauvage menée par l’armée française s’abat sur une partie de la population algérienne", rappelle ainsi le Bondy Blog. A Sétif, petite ville des hauts plateaux algériens, l'armée française réprime dans le sang une manifestation des partis nationalistes.
Combien de personnes furent tuées ce 8 mai ? La mémoire officielle française en a perdu la trace. Les historiens parlent de 8 000 à 15 000 morts ; les autorités algériennes de 45 000 victimes. Les services secrets américains évoquaient, eux, 17 000 morts et 20 000 blessés. Seul est connu aujourd'hui avec certitude le nombre de morts côté européen : 86 civils et 16 militaires. "Peu importe la guerre des chiffres, même a minima, c’est un bain de sang", tranche le blogueur, qui est parti en quête de témoignages de ces massacres de Sétif.
"Nombre d’Algériens voient Sétif comme le point de non-retour, la première marche vers la libération du pays", explique le Bondy Blog. Célébré chaque année en Algérie, l'événement tragique est invariablement passé sous silence dans l'espace public français. En 2005 pourtant, par la voix de son ambassadeur en Algérie, la France avait qualifié de "tragédie inexcusable" l'épisode sanglant. Le film de Rachid Bouchareb, Hors-la-loi, sorti en 2010, avait relancé le débat sur ce silence de l'Etat français.
Sujet: Re: Sétif, l’autre 8 mai 1945 Mar 8 Mai 2012 - 19:59
Un témoin occulaire parle des massacres du 8 mai 45
HADJ BELKACEM BENZAZA EX-MILITANT DU PPA, AUJOURD’HUI, AGE DE 90 ANS, SE CONFIE A REFLEXION
Mardi 8 mai 2012
Citation :
A l’occasion de la commémoration du 8 mai 1945, nous avons eu le privilège d’interviewé l’un des acteurs vivants et qui est âgé de plus 90 ans et qui n’est autre que Hadj Belkacem Benzaza, un ancien militant du PPA, qui a bien voulu témoigner sur la barbarie perpétrée contre les populations algériennes de l’Est, par la France coloniale durant ce mois.
Selon lui, c’est à partir du 8 mai 1945 que tout à basculé, car il est clair que cette tragédie est une infamie et que les populations des villes de Sétif, Guelma est Kherrata ont connu le pire de par les exactions commises par la France coloniale. La répression aveugle a renforcé la détermination de tout le peuple algérien dans son ensemble et renforcé le nationalisme qui le cimentera, pour se préparer au cambât libérateur de 1954. Juste pour rappel le général Duval avait dans un rapport qu’il avait écrit aux plus hautes instances de l’état Français : « Je vous ais un répit de 10 ans, mais il ne faut pas se leurrer ». Cette fameuse expression résume à elle seule les appréhensions de ce général qui a été jusqu’au bout de la répression contre un peuple désarmé.
Ref : Que pouvez vous justement nous dire, sur le 8 mai 1945, que ce soit pour Mostaganem ou pour les massacres qui se sont produits à l’Est du pays ? Hadj Belkacem Benzaza : Vous savez le 8 mai 1945, a été un drame qui a marqué tout le peuple Algérien sans exception, et a été une infamie commise, par un pays qui se déclare des droits de l’homme. Lorsque l’on se remémore, dit-il en soupirant, l’intensité de ce moment particulier ne peut être décrite, l’évoquer dans sa réalité est douloureux, de par l’horreur pour se rappeler au souvenir des victimes algériennes qui font partie de nous. A Mostaganem ces évènements ont été ressentis comme un séisme alors qu’on s’attendait à ce qu’il y ait du nouveau de par les promesses faites en cas de victoire contre les Allemands, mais on savait d’après le climat d’incertitude, que la France ne tiendrait pas sa promesse et qu’elle ne cessait de nous mener comme on dit en bateau, car dès le 1er mai 1945, les choses allaient se précipiter, et il est important de narrer un tel évènement dans le respect de sa chronologie. Il ne faut pas oublier que ce 8 mai 1945 n’est pas tout à fait fortuit, du fait de l’ampleur des manifestations qui se sont produites, surtout à Kherrata, Guelma et Sétif, d’où les 45000 victimes de l’infamie et de la tuerie, et ou la barbarie Française avait dépassé tout entendement. Dans l’histoire de l’Algérie, cette date ne nous aura pas seulement marqué mais bouleversé à un tel point que personne ne pouvait imaginer notre état d’esprit , car il faut que la génération sachent à quoi s’en tenir, figurez vous 45 000 victimes ce n’est pas une dizaine ou une centaine et nous avions ressenti cela comme une provocation et un asservissement de la part de l’autorité coloniale , nos cœurs saignaient, et toutes nos tentatives étaient vaines de par la tournure des évènements qui ont endeuillé le peuple algérien, parce que l’on a osé manifesté pacifiquement pour revendiquer le droit à la liberté et à l’indépendance telle était la récompense. Revenir à cette date fatidique, il y a lieu de remonter le temps et avec mon âge il arrive parfois que le flot de souvenirs me submerge en repensant aux épreuves traversées par ces familles et ces citoyens qui étaient nos frères et qui ont subi les affres de l’injustice et de la répression féroce et inhumaine. On peu dire que le 8 mai 1945, a été le déclic pour les nationalistes et la marche pour la libération du pays, en somme le prélude de la révolution de 1954.
Ref : Pouvez vous nous dire comment vous avez vécu ce 8 mai 1945 à Mostaganem? Hadj Belkacem Benzaza : Avant de revenir, au 8 mai 1945, il faut que les gens sachent que celui-ci n’est pas venu par le simple fait d’une baguette magique, il y avait déjà les prémices d’où la préparation active dans les rangs du PPA, bien avant ce tragique mois. Pour la ville de Mostaganem, les manifestations commencèrent le 1er mai 1945. Ce jour là, les dockers menés par les communistes, s’étaient réunis sur la place de Tijditt qui était le fief du nationalisme et qui seront rejoint aussitôt par les militants du PPA qui encadrèrent toute cette foule qui attendait le feu vert pour se lancer dans une marche vers la sous préfecture dans le cadre de leurs revendications. Cependant, on lisait sur les banderoles « libérez Messali Hadj et constituante algérienne souveraine. Cette manifestation des travailleurs deviendra vite politique. Le cortège des manifestants, sera précédé par deux jeunes dénommés Abdellah Bendani et maazouz Belaidouni des adolescents à peine âgés de 15 et 16 ans des scouts musulmans algériens Groupe El Fellah qui a été comme on le sait l’école d’où sont sortis la majorité des personnalités nationalistes de cette ville. Le cortège des manifestants empruntera la rue Merzoug Salah (Kadous El Meddah), pour arriver à la porte Medjahers, qui était un marché à l’époque et ou l’on trouvait de tout dans le style decelui d’Ain Sefra. Nous n’étions pas nombreux au départ, mais plus on avançait vers le centre ville plus les citoyens nous rejoignaient et les rangs grossissaient au fur et à mesure. Ce cortège des manifestants si ma mémoire est bonne, était mené ce jour là par les militants nationalistes de la première heure et de personnalités très en vue parmi eux, il y avait Hadj Mohamed Benzahaf, Hadj Mohamed Belahouel, Hadj Mohamed Mezadja, Hadj Djelloul Nacer, Fellouh Meskine Benaissa Aek, Ahmed Berber Slimane Berbère, Laredj Malti, Larbi Benyagoub, Ould Aissa Belkacem, Benyahia Belkacem ainsi que d’autres et toutes ces personnes ouvraient la marche. Arrivés à la place du 1er novembre 1954 aujourd’hui « ex la république » les manifestants se massèrent devant la sous préfecture. Ce jour là les forces de police de l’autorité coloniale ne purent contenir tous ces manifestants venus nombreux, d’où les débordements qui s’en suivirent ça et là mais cela ne nous découragea pas car l’on était décidé. La police attendait de pied ferme, formant un cordon de sécurité, mais ne pût contenir cette foule immense et en colère, qui s’immobilisa devant la sous préfecture en scandant :(Vive l’indépendance et Libérez Messali). La surprise était totale pour l’administrateur et les autorités présentes de l’administration Française, l’appel au calme ne pouvait ni servir, ni arrêté les manifestants déchaînés et en colère. Face à la foule de manifestants déchainée, le sous préfet Frène nous demanda de désigner des personnes pour nous représenter, mais ce fut peine perdue, car à un moment donné un des manifestants traitera le sous préfet de menteur et de fasciste, cette réplique non attendue a été considérée comme un manque de respect envers une autorité de l’Etat, pour qualifier cette masse humaine qui défiait l’autorité Française d’immonde. Ce qui n’intimidera pas pour autant la foule, parce qu’il se retirera en silence, ce coup de force de la population fut considéré comme un défi à l’autorité coloniale et fera que les manifestants seront sévèrement réprimer, par les forces de l’ordre Françaises, cependant une telle action aura démontré que tout était possible, et que la foi pouvait soulever des montagnes comme on dit. Cela s’est produit le 1er mai comme quoi, que cette première manifestation était le prélude de ce qui allait se produire par la suite et personne ne pouvait deviner que ce mois de mai 1945 qui sonnait la libération par la victoire des alliés sur l’Allemagne Nazi, et ce grâce à la participation des Algériens et des Africains, serait sanglant et d’une férocité sans pareille pour les algériens à la place de sa promesse mais comme l’avait si bien dit Messali ce n’était en faîte qu’un leurre et le 8 mai 1945 sera la preuve que la France était contre toute idée d’indépendance. Ce premier mai comme je viens de le dire, ne sera que le commencement, car s’ensuivra d’autres manifestations le 3 mai à Ksar Chellala et le 5 à Saida qui seront tout autant réprimées par l’administration française. Ce 8 mai 1945, je me rappelle, à Mostaganem la tension était tendue car lorsque que l’on a été informé de l’horreur commise par la France contre nos frères cela a fait naitre une solidarité à toute épreuve avec les victimes de cette barbarie. Et comme toujours Mostaganem a toujours été au rendez vous, avec l’histoire, quelque soit le moment, ou l’époque pour être marquée par cette triste journée. Des rassemblements se feront au niveau de la Place Souika de Tijditt et des associations et mouvements pour crier leur indignation. Ce 8 mai 1945 de nombreuses actions seront entreprises par des militants et à ce propos nous citerons le chahid Meskine Fellouh, qui à la veille même du 8 mai 1945 avec Seghier Tahar et son frère Belmehel, avaient organisé une opération contre la Ferme Du docteur Lamarque à Sayada (ex Pélissier) pour le délester de ses armes, malheureusement ils seront surpris par des gardes, qui ouvriront le feu sur eux On aurait dit qu’ils avaient deviné ce qui allait se passer le lendemain. Meskine Fellouh sera blessé à la poitrine, mais réussira cependant à fuir avec ses camarades qui le ramenèrent chez lui, N’empêche qu’il sera arrêté par la suite lors des manifestations du 10 mai 1945, sans que les autorités Françaises puissent s’apercevoir qu’il était blessé. Il sera soigné dans sa cellule par son compagnon Hadj Mohamed Benzahaf, arrêté lui aussi en même temps que lui et incarcéré, c’est lui qui lui prodiguera des soins de fortune parce qu’il n’y avait aucun nécessaire pour soigner une telle blessure et c’est par miracle qu’il guérira, il tombera au champ d’honneur plus tard. Il est clair que les massacres du 8 mai 1945, ont secoué la communauté internationale et a été la phase ultime pour le peuple qui avait ressentit cela comme une trahison, car suite à ces massacres, les communications étaient devenues difficiles et le pays était quadrillé, voire partager car on ne voulait qu’aucune information ne filtre afin d’isoler les régions de l’Est de peur de la contagion qui pouvait se propager à L’Ouest et au reste du pays, du fait que tout était contrôlé par les autorités coloniales. Cependant cela ne nous a pas empêché d’organiser une autre manifestation le 10 mai 1945 à seulement deux jours d’intervalle, mais celle-ci sera réprimée, par l’armée française qui avait déployé un dispositif militaire des plus draconiens. Plus de 201 personnes, seront arrêtées dont plusieurs cadres et militants du PPA, à savoir Hadj Mohamed Bezahaf, Hadj Mohamed Belahouel, Hadj Mohamed Mezadja, Hadj Djelloul Nacer, Fellouh Meskine Benaissa Aek, Ahmed Berber, Slimane Berber, Laredj Malti, Larbi Benyagoub, Ould Aissa Belkacem, Bekhelouf Abdelkader dit Moulay Cherif qui a toujours mis à disposition sa maison au niveau de la rue 21 n° 135 à Tjditt « El Meksar » au service de la cause et pour les préparatifs du déclenchement de la révolution, ainsi que d’autres j’étais parmi ces gens là et à la suite de quoi j’ai été transféré à la prison militaire d’Oran. Juste au passage dans cette maison qui a un historique des plus illustres se sont rencontrés les Ould Aissa Belkacem, Cheikh Belketroussi, cheikh Ben Eddine, Larbi Benyagoub, avec Larbi Ben mhidi, Hadj Mohamed Benalla,, Ahmed Zabana, Benyahia Belkacem, Blaoui Abdelkader, Si Benaouda et Moulay Cherif pour se préparer dans les années qui suivirent le 8 mai 1945.La ville de Mostaganem suivra le mouvement, par son adhésion, et sa participation effective, avant et pendant la révolution d’une manière significative
Ref : Que pouvez nous dire de plus sur le 8 mai 1945 ? Hadj Belkacem Benzaza : Ce que je peux vous dire c’est que le 8 mai 1945 est la date de deux événements historiques marquants, qui se sont retournés contre le peuple algérien, à savoir La victoire des Alliés sur l'Allemagne nazie et la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe qui sera marquée par la capitulation de l'Allemagne, mais aussi par le début des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, dont les répressions sanglantes contre des manifestants ont été des plus barbares. Les manifestations était pacifiques et visaient à réclamer seulement l'indépendance du pays et la libération du chef du (PPA) Messali Hadj. Les partis nationalistes algériens, profitant de l'audience particulière donnée à cette journée, décidèrent de rappeler leurs revendications patriotiques, suite aux promesses faites par la France en cas de victoire, sur l’Allemagne. Malheureusement, ces manifestations basculèrent dans l’horreur lorsque des policiers commencèrent à tirer tuant sur le coup le porte drapeau algérien. Le nombre des victimes autochtones faites en représailles reste sujet à débat, pour la France coloniale qui ne veut pas reconnaître ses responsabilités et le chiffre de 45 000 morts. Les autorités françaises de l'époque fixèrent le nombre de tués à 1 165 ; mais un rapport des services secrets américains à Alger en 1945 notait plus de 40 000 morts et plus de 20 000 blessés ; le gouvernement algérien avance le nombre de 45 000 morts. Soixante ans plus tard, en 2005, Paris par la voix de l’ambassadeur Hubert Colin de Verdière reconnaissait pour la première fois la responsabilité de la France en qualifiant cette période de l’histoire contemporaine de « tragédie inexcusable ». Ce pas avait été bien perçu par les Algériens ainsi que par la Fondation du 8 mai 1945. Celle-ci l’avait toutefois jugé insuffisant et comme l’a dit Mohamed Areski Ferrad « il n’y a pas de volonté politique des décideurs pour faire adopter cette loi ». Pour l’universitaire Souilah Boudjemaâ « il suffirait d’ajouter un seul article au code pénal pour pouvoir juger les auteurs des crimes de guerre commis durant le colonialisme, dès qu’ils mettent les pieds sur le sol algérien ». Malheureusement, 67 ans après il n’en n’est rien, du fait que l’ancienne puissance coloniale, ne veut pas reconnaître le génocide qui a été perpétré contre des populations civiles et désarmées manifestant pacifiquement malgré que l’histoire l’ait rattrapé.
Sujet: Re: Sétif, l’autre 8 mai 1945 Sam 19 Mai 2012 - 23:01
Ce que fut la colonisation: Les jours de mai funeste de l'Algérie
> par Chems Eddine Chitour - Mondialisation.ca, Le 11 mai 2012
Citation :
«On a tué, massacré, violé, pillé tout à l'aise dans un pays sans défense, l'histoire de cette frénésie de meurtres et de rapines ne sera jamais connue, les Européens ayant trop de motifs pour faire le silence (...). Rien n'est plus contraire aux intérêts français que cette politique de barbarie.» Jean Jaurès citant Clémenceau (Chambre des députés, 27 mars 1908)
Dans cette deuxième partie de notre récit sur ce que fut la colonisation, nous allons revenir rapidement sur la situation qui prévalait à la veille de l'invasion coloniale. Après la chute de Grenade en 1492, les puissances ibériques (Espagne et Portugal), se renforcent économiquement et militairement. Les Espagnols s'emparent de plusieurs ports du littoral algérien et obligent les villes de Ténès, Mostaganem et Cherchell de payer tribut, Alger livra l'île qui contrôlait sont port. Alger ou El-Djazaïr était un petit port peuplé d'environ 20.000 habitants, sa population s'est accrue fortement avec l'arrivée des Juifs et des Maures expulsés d'Andalousie après la chute de Grenade. Après avoir achevé la Reconquista en 1492 avec la chute du dernier bastion en possession musulmane: l'Émirat de Grenade, le cardinal Ximenès, inquisiteur de la Cour d'Espagne porte la Croisade au coeur des petits États barbaresques. Les Espagnols annexent plusieurs villes côtières: Mers El Kébir en 1505, Oran en 1509 et Bougie (Béjaïa) en 1510.
S'il est vrai que l'Algérie a été occupée sous la période ottomane, il faut cependant rendre justice à Khier Eddine Barberousse qui a sauvé l'Algérie d'une christianisation forcée comme ce fut le cas des Incas et des Aztèques. Pizzaro a fait ses premières armes sur les côtes algériennes.. De plus, Khier Eddine fut le premier à délimiter les frontières de l'Algérie actuelle, notamment à l'est la province de Tabarka payait tribut et faisait allégeance à la Régence d'Alger qui eut souvent à rentrer en guerre avec la Régence de Tunis. Et on apprend que cette dernière a pendant plus d'un siècle «envoyé l'huile à la Mosquée d'Alger afin que la lumière ne s'éteigne jamais».
A l'ouest, Khier Eddine suivit la division romaine entre la Maurétanie césarienne et la Maurétanie tingitane par le fleuve Moulaya «Flumen Malva Dirimit Maurétanias duas», le fleuve Moulaya divise les deux Maurétanies. Il a fallu attendre le traité de Lalla Maghnia en 1845, pour que la France rectifie la frontière au profit du royaume du Maroc, le prix de la félonie étant de déclarer la guerre à l'Emir Abdelkader. Khayr ad-Din repousse les attaques espagnoles sur les différentes villes. C'est l'acte de naissance de la Régence d'Alger. La ville d'Alger devient un grand port de guerre qui gagne au fil des expéditions étrangères la réputation de «bien gardée» (en arabe). La domination de la mer lui permet de repousser plusieurs attaques provenant d'un certain nombre de pays européens, à commencer par celle menée par Charles Quint en octobre 1541.
Par ailleurs, l'Algérie imposait aux différentes flottes pénétrant en mer Méditerranée un impôt, avec protection contre toutes attaques de pirates ou de pays tiers. La liste des pays ayant souscrit à cet impôt: Royaume-Uni: 267.500 francs, France: 200.000 francs, États-Unis: 125 000 dollars par mois. En 1536, l'amiral français Bertrand d'Ornesan unit ses douze galères françaises à une petite flotte ottomane appartenant à Barberousse à Alger, faite d'une galère ottomane et de 6 galiotes, et attaque l'île d'Ibiza, dans les Baléares. Après le siège de Nice, François Ier propose aux Ottomans de passer l'hiver à Toulon. La cathédrale de Toulon servit aussi de mosquée. Bien plus tard, le 18 octobre 1681, le Dey d'Alger déclare officiellement la guerre à Louis XIV. En 1682-1683, l'amiral français Abraham Duquesne commande par deux fois le bombardement d'Alger, et força le Dey à restituer tous les esclaves chrétiens. La paix fit ensuite conclue avec le Royaume de Louis XIV. Elle devait durer plus d'un siècle.
Suite à l'indépendance des États-Unis en 1776 que la Régence d’Alger fut la première à reconnaître – Condelezza Rice secrétaire d’Etat des Etats-Unis à remis, il y a quelques années à notre ambassadeur aux Etats-Unis, une copie de la lettre de reconnaissance des Etats-Unis par la Régence d’Alger- , le Sénat américain décide de proposer un «traité de paix et d'amitié avec les États de Barbarie» dont un avenant sera paraphé le 5 septembre 1795 à Alger puis de nouveau le 3 janvier 1797. Un traité similaire sera signé avec le Bey de Tunis. Le traité est ratifié et paru dans le Philadelphia Gazette le 17 juin 1797. L'article 11 de ce traité indique que: «Considérant que le gouvernement des États-Unis n'est en aucun sens fondé sur la religion chrétienne, qu'il n'a aucun caractère hostile aux lois, à la religion ou à la tranquillité des musulmans et que lesdits États-Unis n'ont jamais participé à aucune guerre ni à aucun acte d'hostilité contre quelque nation mahométane que ce soit, les contractants déclarent qu'aucun prétexte relevant d'opinions religieuses ne devra jamais causer une rupture de l'harmonie régnant entre les deux nations». Il a été rédigé par John Barlows, consul général des États-Unis à Alger.
Cependant, La Régence fut constamment attaquée, notamment après le congrès de Vienne, où l'Europe se mit d'accord pour réduire la Régence, l'expédition américaine de 1815 et celle que conduisent les Marines britannique et hollandaise sur Alger en août 1816, ces dernières subirent de grandes pertes et sont empêchées d'accoster sur Alger. L'Affaire de l'éventail entre le pacha turc Hussein Dey et le consul français Pierre Deval, le 30 avril 1827, est le casus belli de la guerre déclarée par le Royaume de France à la Régence d'Alger, qui déclenche le blocus maritime d'Alger par la marine royale française.
En 1827, donc, le Dey n'était pas encore remboursé du million qu'il avait prêté à la France, sans intérêts, trente et un ans auparavant! Bien plus, du fait des dettes de Bacri, le Dey risquait fort de ne jamais toucher un sou. Ainsi, sous couleur de satisfaire ses réclamations, on avait «rendu légale sa spoliation». Le Dey d'Alger était ainsi «magnifiquement» récompensé de l'ardeur qu'il avait mise à faciliter le ravitaillement de la France affamée par l'Angleterre. (1)
L’invasion : La fin d’un monde
Le 14 juin 1830, le général de Bourmont débarqua sur le sol algérien à Sidi Fredj. L'armée coloniale livra les 19 et 24 juin les deux batailles de Staoueli. L'état-major français bénéficie d'un plan de débarquement, Reconnaissance des forts et batteries d'Alger, dressé par l'espion Boutin envoyé par Napoléon en 1808. Après des combats difficiles, le Dey n'eut plus qu'à faire sauter le fort l'Empereur à l'explosif. Dans l'acte de reddition signé par de Bourmont il est dit que l’armée ne s’ingérera pas dans les choses de la religion et sauvegardera les lois et coutumes des vaincus.
Pourtant, le 7 juillet, ordre est donné d'évacuer la Casbah. Ce sera la première violation du Traité de capitulation conclu deux jours auparavant seulement. La pièce d'artillerie - Baba Merzoug pour les Algériens - la «Consulaire» pour les envahisseurs, est expédiée à Brest le 27 juillet 1833. C'est ce canon qu'une association souhaite récupérer sous l'indifférence apparente des autorités. La conquête jamais achevée sera âpre, rude et violente, longue de plus d'un siècle, au cours duquel émergeront le Bon, la Brute et le Truand: des généraux partisans de l'ethnocide des théoriciens de la colonisation, défenseurs de l'expropriation des indigènes, et des missionnaires qui n'avaient de cesse de faire retrouver à l'Algérien son substrat originel chrétien après avoir enlevé la gangue musulmane. Car le cardinal Lavigerie recommandait de christianiser les Algériens ou de les refouler loin dans le désert...
Au nom de la France, et au nom de la religion, imaginons une armée qui s'installe par le droit du plus fort, qui tue, viole, pille, ruine de paisibles citoyens pour la rapine mais aussi, et rapidement pour installer des colons qui avaient tous, à des degrés divers, une vie ratée derrière eux. Ces colons par la force des Bugeaud, et autres sinistres Rovigo, devinrent des maîtres, les agioteurs se mirent de la partie et on détruisit à qui mieux mieux un Alger qui a mis des siècles à sédimenter pour mettre à sa place la civilisation. Des cimetières furent profanés, notamment ceux des Deys et les os furent éparpillés sans respect pour les morts, nous dit l'archiviste Albert Devoulx. Nous allons dans ce qui suit, citer quelques sinistres personnages dont les noms continuent encore - nostalgie oblige -à être ânonnés par des Algériens Deux mois après l'invasion et au mépris des promesses de De Bourmont, le général Clauzel, qui symbolisera pour les Algériens la spoliation légale et la malhonnêteté, violera l'engagement. Il inaugure la politique de privation et de confiscation des biens habous qui permettront à de nombreux officiers de s'emparer de terres algériennes. C'est le début de la colonie de peuplement.
Les bourreaux sans honneur qui ont martyrisé les Algériens Bugeaud, Clauzel, Rovigo, Saint Arnaud…
Des stocks d'or et de bijoux constituant le trésor de La Casbah furent pillés par des intendants généraux sans être inquiétés malgré la dénonciation d'officiers français comme Berthezene: «On est venu que pour piller les fortunes publiques et particulières, on m'a proposé de faire ou de laisser faire, de laisser voler les habitants parce que c'est autant d'argent importé en France; enfin, d'obliger les habitants à déserter le pays pour s'approprier leurs maisons et leurs biens.» L'imagination déchaînée et bestiale des premières décennies de la conquête sera «très riche». On payera des spahis à 10 francs la paire d'oreilles d'un indigène, preuve qu'ils avaient bien combattu. «Un plein baril d'oreilles récoltées paire à paire, sur des prisonniers, amis ou ennemis» a été rapporté d'une expédition dans le Sud par le général Yusuf.
Les enfumades et massacres des mois de mai 1845 et 1945
A partir de 1832, une nouvelle ère de la colonisation commence. C'est la guerre d'extermination par enfumades et emmurements, l'épopée des razzias par la destruction de l'économie vitale, la punition collective et la torture systématique. En avril 1832, la tribu des Ouffia, près d'El Harrach, fut massacrée jusqu'à son extermination. Le butin de cette démonstration de la cruauté coloniale que le Duc de Rovigo a laissé commettre, fut vendu au marché de Bab Azzoun où l'on voyait «des bracelets encore attachés au poignet coupé et des boucles d'oreilles sanglantes», comme en témoigne Hamdane Khodja. La guerre de Bugeaud –Le sobriquet « bouchou » terrorisa des générations d’enfants - fut une guerre d'épouvante, c'est le premier usage, connu, de la guerre non conventionnelle pratiqué par une armée régulière sur le territoire algérien.
« Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéhas! Enfumez-les à outrance comme des renards.» s’exclame Bugeau. Justement, le 11 juin 1844, Canrobert évoque ce fait d’armes, auquel il a personnellement participé, un an auparavant.«J'étais avec mon bataillon dans une colonne commandée par Cavaignac. Les Sbéahs venaient d'assassiner des colons et des caïds nommés par les Français; nous allions les châtier. Dans la falaise est une excavation profonde formant grotte. Les Arabes y sont, et, cachés derrière les rochers de l'entrée, [...] À ce moment, comme nous nous sommes fort rapprochés, nous commençons à parlementer. On promet la vie sauve aux Arabes s'ils sortent. (..) On pétarda l'entrée de la grotte et on y accumula des fagots, des broussailles. Le soir, le feu fut allumé. Le lendemain, quelques Sbéahs se présentaient à l'entrée de la grotte demandant l'aman à nos postes avancés. Leurs compagnons, les femmes et les enfants étaient morts. Telle fut la première affaire des grottes.
En 1845, un siècle avant les massacres du 8 mai 1945 et son lot de plusieurs milliers de victimes, le général Cavaignac avait inauguré l'ancêtre de la «chambre à gaz» que le colonel Pellisier utilisera pour mater l'insurrection des Ouled Riah dans le Dahra. Ainsi, les villageois de cette bourgade s'étaient réfugiés dans des grottes des montagnes avoisinantes pour échapper à la furie des soldats. Ils furent enfumés par «des fagots de broussailles» placés à l'entrée-sortie des grottes. Le soir, le feu fut allumé. Le lendemain, au moins 500 victimes furent dénombrées. Les insurgés avaient pourtant «offert de se rendre et de payer rançon contre la vie sauve», ce que le colonel refusa. Un soldat écrit: «Les grottes sont immenses; on a compté 760 cadavres; une soixantaine d'individus seulement sont sortis, aux trois quarts morts; quarante n'ont pu survivre; dix sont à l'ambulance, dangereusement malades; les dix derniers, qui peuvent se traîner encore, ont été mis en liberté pour retourner dans leurs tribus; ils n'ont plus qu'à pleurer sur des ruines.»
Après ce massacre, Pélissier fait mine de consciences inquiètes: «La peau d'un seul de mes tambours avait plus de prix que la vie de tous ces misérables.» Saint-Arnaud fera mieux que Cavaignac et Pélissier. Le 8 août 1845, il découvre 500 Algériens qui s'abritent dans une grotte entre Ténès et Mostaganem (Aïn-Meran). Ils refusent de se rendre. Saint-Arnaud dont Victor Hugo a dit qu'il avait les états de service d'un chacal, ordonne à ses soldats de les emmurer vivants. «Je fais boucher hermétiquement toutes les issues et je fais un vaste cimetière. La terre couvrira à jamais les cadavres de ces fanatiques. Personne n'est descendu dans les cavernes. Personne que moi ne sait qu'il y a dessous 500 brigands qui n'égorgeront plus les Français.»
La politique de terre brûlée devait amener une vingtaine d'années plus tard les famines qui ont vu la mort de centaines de milliers d'Algériens, au point qu'il a fallu 50 ans pour que la population algérienne retrouve le chiffre de 3 millions d'habitants qu'elle avait en 1830.
Bien plus tard les crimes de masse de mai 1945 sont une autre tâche sur la conscience de la France: comme exemple de violence absurde, certains militaires, juchés sur des toits de wagons de chemin de fer, arrosaient à la 12.7 tous ceux qui passaient à leur portée. Ce furent d'ailleurs parfois des troupes coloniales africaines qu'on utilisa pour accomplir la sinistre besogne. Il n'y a jamais eu aucun acte de repentance pour les massacres perpétrés le 8 mai 1945 non seulement à Sétif mais aussi à Guelma et à Kherrata... Le général Duval le «boucher du Constantinois: «Je vous ai donné la paix pour 10 ans, si la France ne fait rien, tout recommencera en pire et probablement de façon irrémédiable.»
En définitive, après l'invasion, l'armée n'a pas tenu parole, le peuple fut humilié, déstructuré, dépossédé de sa terre (60% des bonnes terres étaient détenues par 10.000 colons qui est un apartheid avant celui des colons de l'Afrique du Sud. De plus, l'administration coloniale mit la main sur les fondations pieuses (Habous) qui entretenaient les mosquées et les zaouïas, ce qui tarit du même coup la source de financement de l'enseignement qui, pour Venture de Paradis, était développé dans l'Alger d'avant la conquête. Au total, en 1863, sur les 173 mosquées d'Alger, il restait à peine une douzaine, toutes les autres furent démolies ou aliénées, certaines furent converties en écuries... Ces quelques phrases, extraites du rapport parlementaire de la commission dirigée par Alexis de Tocqueville en 1847, témoignent de la violence du choc civilisationnel: «Autour de nous, les lumières de la connaissance se sont éteintes... C'est dire que nous avons rendu ce peuple beaucoup plus misérable et beaucoup plus barbare qu'avant de nous connaître.» Voilà un échantillon de l'oeuvre positive de la France.
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz
1. G. Esquier: La prise d'Alger 1830. Paris & Alger, E. Champion & l'Afrique latine, 1923
Chems Eddine Chitour est un collaborateur régulier de Mondialisation.ca. Articles de Chems Eddine Chitour publiés par Mondialisation.ca
Sujet: Re: Sétif, l’autre 8 mai 1945 Mar 3 Juil 2012 - 9:07
Massacres du 8 mai 1945 et d’octobre 1961
Un député français demande à François Hollande de reconnaître la responsabilité de la France
Sonia Lyes - 02/07/2012 à 18:31
Citation :
Daniel Goldberg, député socialiste français, a demandé à François Hollande de reconnaître « dans la forme qu’il juge appropriée », la responsabilité de la France dans les massacres du 8 mai 1945 et d’octobre 1961. Dans une lettre adressée au président français, le député estime qu’à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie, la France est appelée à s’exprimer sur ces événements douloureux pour « progresser dans la voie de la réconciliation ».
« Aujourd’hui, la France pourrait saisir l’occasion de ce cinquantenaire pour s’exprimer enfin clairement sur certains des événements les plus douloureux de notre passé commun afin que nous progressions dans la voie d’une réconciliation encore inachevée », écrit‑il.
M. Godberg demande au président Hollande de trouver « la formule appropriée » pour reconnaître cet événement. « C’est pourquoi, Monsieur le président de la République, je m’adresse vous. Il vous revient de reconnaître, sous la forme que vous jugerez la plus appropriée, les faits qui ont entraîné la mort d’au moins deux cents personnes et qui en ont blessé des centaines d’autres, en octobre 1961, à Paris et dans la banlieue parisienne ».
Daniel Glodberg soutient toutefois que sa démarche ne procède pas d’une recherche de la repentance, comme l’exige la famille révolutionnaire algérienne. « Ma démarche ne procède pas d’une recherche de la repentance de notre pays, mais d’une reconnaissance des violences commises par les forces de l’ordre, une reconnaissance qui rende la France plus forte et plus unie, une reconnaissance qui rendra enfin collectivement hommage aux victimes et à leur mémoire et dont notre pays sera finalement grandi ».