amirouche Lieutenant-Colonel
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| Sujet: Pologne, le grand ratage français Mer 14 Nov 2012 - 16:17 | |
| Pologne, le grand ratage françaisLE MONDE | 14.11.2012 à 14h44 • Mis à jour le 14.11.2012 à 14h44 Par Piotr Smolar (Service International) - Citation :
- Dans les années 1980, la place de la Concorde, à Paris, était un peu polonaise. Des camions partaient vers Varsovie, chargés de victuailles. Les bienfaiteurs étaient des émigrés polonais mais aussi des citoyens français, bouleversés par le sort de ce pays soumis à la loi martiale par le général Jaruzelski. Il existait alors en France une sensibilité exceptionnelle à l'égard de la Pologne. Elle était aussi bien de gauche - par solidarité avec le mouvement ouvrier - que de droite - en raison du rôle central des catholiques dans l'opposition anticommuniste.
Il faut arpenter, aujourd'hui, les allées du pouvoir à Varsovie pour mesurer le gâchis. Il faut entendre les ministres et les commentateurs soupirer à l'évocation de la France. Le capital sympathie a été dilapidé depuis la chute du mur de Berlin en 1989, qui a ouvert la voie au retour de la Pologne et de ses voisins dans le concert européen. http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/11/14/pologne-le-grand-ratage-francais_1790313_3232.html- Spoiler:
La visite de François Hollande, vendredi 16 novembre à Varsovie, doit servir à renouer le fil d'une conversation peu féconde, faute de bases saines. Que de blessures d'amour-propre, de rendez-vous manqués en vingt-trois ans ! Sur le plan politique, mais aussi économique. Malgré la présence de grands groupes français sur place, le solde commercial est négatif depuis 2009. L'Allemagne est, de très loin, le premier partenaire.
Au début du malentendu fut la myopie française. En 1989, la géopolitique du continent est bouleversée par la chute du Mur. François Mitterrand, septuagénaire à l'esprit balisé par les deux conflits mondiaux, redoute la réunification de l'Allemagne et l'extension de sa sphère d'influence. En juin 1991, la France est à l'origine de la tenue à Prague des assises de la Confédération européenne.
Cette initiative sans lendemain, à contre-courant de l'Histoire, visait à créer un forum de dialogue pour les pays de l'Est avec l'URSS. L'impact fut catastrophique. François Mitterrand déclara qu'il pourrait se passer des "dizaines d'années" avant que ces nations ne rejoignent la Communauté européenne (future Union européenne).
Dès 2004, huit pays de l'ancien bloc entrent dans l'UE. Paris avait soutenu le processus. Mais jamais, au cours de la période de négociations, la France n'a donné le sentiment d'accueillir à bras ouverts les bénéficiaires de cet élargissement historique. A nouveau, le prisme allemand déformait la vision. A cela s'est ajoutée une condescendance naturelle de la diplomatie française envers les "petits Etats", que Jacques Chirac avait synthétisée d'une formule terrible, un an plus tôt.
En janvier 2003, les dirigeants de huit pays d'Europe apportèrent leur soutien aux Etats-Unis sur la crise irakienne. Le président français fustigea les signataires de l'Est, comme la Pologne, en estimant qu'ils avaient "perdu une bonne occasion de se taire". Entre Berlin et Moscou, il ne pouvait y avoir, pour Paris, que des nécessiteux et des affiliés. Pas des acteurs autonomes.
Le penchant proaméricain de Varsovie était évident. Pour la Pologne, la question des frontières et de sa souveraineté a été un long combat incertain. Dépecée à plusieurs reprises dans son histoire, elle a naturellement compté sur l'OTAN - qu'elle a rejointe dès 1999 - plutôt que sur une Union européenne sans canines pour assurer sa sécurité. La commande d'avions F16 américains, préférés aux Mirage français en 2002, illustra ce penchant, très mal ressenti à Paris.
Mais l'attachement romantique aux Etats-Unis s'est estompé depuis. L'abandon brutal par le président américain Barack Obama du bouclier antimissile de l'administration Bush, le maintien des visas pour les Polonais mais surtout l'affirmation du pays en Europe ont modifié la perspective.
La façon dont les Polonais se voient et perçoivent le monde est davantage marquée par le réalisme que l'idéalisme, la défense de leurs intérêts que la quête d'un père protecteur. Outre son rapprochement historique avec l'Allemagne, Varsovie est devenue l'une des capitales les plus proeuropéennes du continent, même si elle n'appartient pas à la zone euro. Cela, les élites françaises l'ont négligé. Pas plus qu'elles n'ont su répondre à la psychose infantilisante du plombier polonais, avant le référendum sur le traité constitutionnel, en 2005.
Le malentendu entre la France et la Pologne est d'autant plus dommageable que les deux pays ont des intérêts convergents : l'ébauche d'une défense européenne ; la défense de la politique agricole commune (PAC), actuellement en balance ; le nucléaire - la Pologne envisage de construire une centrale. Hélas ! dans les faits, la France a abandonné l'Europe orientale à l'Allemagne, se concentrant sur ses échanges avec la Russie. Une erreur, d'autant que les relations entre Varsovie et Moscou se sont normalisées. Il n'y a donc pas de choix à faire.
Enfin, la France s'est focalisée sur le pourtour méditerranéen, en raison des révolutions arabes. Cette répartition des zones avec Berlin explique le faible intérêt de Paris pour le partenariat oriental, lancé par la Pologne et la Suède à l'attention du voisinage postsoviétique de l'UE. La crainte de François Mitterrand - un déplacement du centre de gravité européen vers l'Est - s'est réalisée. Mais pas pour les raisons géopolitiques attendues. C'est l'affaiblissement économique de la France, l'effet de ciseaux avec l'Allemagne et la croissance spectaculaire de la Pologne (+ 15,8 % entre 2008 et 2011) qui ont modifié la donne.
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