Le mérite du CREC est d’avoir ouvert un débat qui n’a évidemment pas été épuisé, non seulement parce que les sujets sont vastes mais parce que toute la matière est encore en mouvement, donc n’appartient pas encore à l’Histoire. Pour des universitaires, une matière mouvante est un risque d’erreur ou de subjectivité dans leurs analyses. Au moins l’étude de cette actualité leur permet-elle d’identifier des clés de compréhension communes en comparant ces différentes crises, ce qui est aussi d'un grand intérêt pour les militaires. Pour Luis Martinez, dans l’analyse des relations entre militaires et politiques à travers les crises du monde arabe, une distinction nette est à faire, que je trouve d’une grande pertinence : d’un côté il y a les pays moins riches, dont l’économie est très dépendante du tourisme et qui offrent par conséquent une grande vulnérabilité aux mouvements d’opinion publique internationale : ces pays sont obligés de mesurer la répression pour éviter les attaques médiatiques et leurs effets collatéraux sur l'économie et le tourisme. Explicitement, il s’agit pour lui de la Tunisie et de l’Egypte. Dans ces pays, une approche plus réaliste a entraîné les armées respectives à ne plus considérer les mouvements islamistes comme "l’ennemi", mais comme une force dont il faut tenir compte et avec lequel il faut pouvoir éventuellement s’entendre. D’où l’évolution des militaires tunisiens envers Al-Nahda et des militaires égyptiens à l’égard des Frères musulmans.